>> Catalogue Temps Noir

 


142 pages
28 €
ISBN 2-910686-35-9


Photographies
2001

 

Extérieur nuit
· Photographies de Gilles Larvor
Préface de Jean-Bernard Pouy / Biobibliographies de Claude Mesplède

Photographier des écrivains, tu parles d’une gageure.
Au moins, avec un mécanicien, tu peux mettre une clef de 12, avec un capitaliste, un cigare, et avec une infirmière, une blouse bien serrée aux entournures. Mais va faire poser un auteur avec sa machine à écrire sous le bras ou le stylo plume en or entre ses gros doigts, tiens, plus ringard tu soulitzères.
De plus, il y a depuis longtemps cette récurrence gonflante de les voir, ces fictionneux tous azimuts, la joue posée sur la main (notez la fumée de la cigarette ondulant devant les yeux qui fixent la lande d’Irlande), avec, sur les genoux, le chat qui regarde ailleurs, finement dégoûté. Ou bien encore, le scribouillard au café, lisant Le Monde (avec les miettes du croissant parsemant la table de Formica). Effectivement, tout le monde n’est pas Kerouac assis sur une borne kilométrique, Céline dans son foutoir clochardisé ou Proust somnolant sur son oreiller en plumes d’eider.
Alors que faire ? Comment témoigner d’individus qui, en plus, ça n’arrange rien, écrivent des trucs noirâtres qui se forcent à désespérer le lecteur ? Bien sûr, il y a toujours la solution du regard sombre, de la gueule d’enterrement, du verre de ouiski, de la bimbo échancrée du poitrail dans les parages, de la limousine aux verres fumées garée le long du trottoir, du flingue planqué dans le décor, ou de la mine vacharde de la vieille Anglaise sirotant son brandy (certains l’appellent Agatha et d’autres l’appellent à gâteaux). Bien sûr, il y a toujours la possibilité d’alentours vaguement hitchcockiens, de zones manchetteuses, de bars pigallesques. Tous ces plumitifs, pour ne rien arranger, se réunissent en banlieue, le soir, loin des salons du VI e arrondissement et des Foires du livre sous chapiteau pluvieux de province. Dans des lieux généralement éloignés de toute mythologie, des lieux de simple vie. Alors, comment procéder ? En faire des héros ? Des victimes ? Des gens dont on pourra dire qu’ils ressemblent à leurs histoires ? Ou le contraire ? Des gens dont on pensera, tiens, je le croyais plus jeune ? Ou le contraire ? Et ainsi de suite ?
Non.
Regardez-les bien, ces photos. Avec patience, avec précision, avec distance et recul, avec délice aussi. Et, juste retour des choses, vous y verrez Gilles Larvor. Sa gueule et son mental. Ses goûts. Son éthique, surtout.
Vous y découvrirez ce qu’il pense de nous (là, je ne m’avance pas trop), de nos livres (là non plus, je ne mettrais pas ma main à couper que…)
C’est déjà ça.
Et nous, nous n’avons rien à dire.
Nous avons simplement à le remercier.
Jean-Bernard Pouy

 

 

Extraits

Le photographe