Dictionnaire des littératures policières
sous la direction de Claude Mesplède
(2008, deuxième édition)

>> Catalogue Temps Noir

 

Préface de François Guérif


La particularité de cet ouvrage est son évidente nécessité.
Bien sûr, il y a déjà eu des histoires du roman policier (plus ou moins bien faites), des dictionnaires d’auteurs (plus ou moins
complets), des approches esthétiques ou philosophiques (plus ou moins convaincantes), des livres sur les collections, des revues, des fanzines, des autobiographies (plus ou moins mensongères), mais aucune tentative, à ma connaissance (du moins en France), qui ait eu cette vocation encyclopédique, les multiples ouvertures se renvoyant les unes aux autres et traçant, à l’intérieur même de ce gigantesque puzzle, comme un jeu de piste invitant le lecteur à reconstituer lui-même sa propre histoire du genre.
Cette volonté encyclopédique a pour premier mérite de nous apprendre énormément de choses. Beaucoup de lecteurs qui ont l’impression de bien connaître – ou du moins pas mal – le polar dans tous ses états auront la délicieuse surprise (parfois aussi l’angoisse) de découvrir qu’ils ne connaissent finalement que peu de choses, une partie faiblement émergée d’un iceberg aux proportions inattendues. Voilà donc (ce n’est pas son but principal, mais c’est une conséquence ludique qui n’a rien de désagréable) un ouvrage qui devrait, dans un premier temps, faire le bonheur des bouquinistes, qui vont voir affluer les demandes les plus diverses, et dans un second temps, vous poser des problèmes d’espace dans vos bibliothèques. Vu sous cet angle, il peut être considéré comme un cadeau empoisonné (un peu comme Les livres de ma vie de Henry Miller, en partie responsable de l’explosion de ma propre bibliothèque).
Avant tout, ces deux volumes s’annoncent d’emblée comme des compagnons de longue date. Vous n’allez pas les dévorer de A à Z en quelques jours (à moins de vouloir être dans le livre Guinness des records), mais les garder sur votre table de nuit ou sur votre bureau, en tout cas toujours à portée de la main, pour vous y replonger sans cesse. Pour vérifier un titre, une date, la bibliographie d’un auteur, trouver le fil rouge derrière l’œuvre d’un écrivain, retrouver un personnage qui a bercé votre enfance, confronter votre opinion à celle qui est proposée, partir à l’aventure dans des contrées que vous connaissez mal… Une lecture de longue haleine, un remède à la mélancolie, une drogue douce.
Bref, les amateurs de polar sous toutes ses formes diront aujourd’hui LE Mesplède, comme d’autres disent LE Larousse ou LE Robert. Et n’allez pas croire, comme certains, que la lecture des dictionnaires est rébarbative. Elle est, à l’opposé, toujours stimulante et ne cesse d’ouvrir de nouvelles portes sur un savoir universel que l’on voudrait faire sien. La plus grande révélation de ce dictionnaire-ci étant, encore une fois, de nous montrer que le continent polar est bien plus vaste qu’aucun d’entre nous n’aurait pu le soupçonner. Et que son exploration ne cesse d’être merveilleuse.
Il y avait l’incomparable thèse de Régis Messac, Le détective novel et l’influence de la pensée scientifique, publiée en 1929. Aujourd’hui, il y a cette non moins incomparable somme, édifiée au fil des ans avec amour et abnégation. Car, disons-le tout net, il fallait être fou pour entreprendre un tel travail. Et il a fallu plus que du talent pour le mener à bien.

 

Préface de Daniel Pennac


L’ordre alphabétique c’est le désordre absolu, voilà le charme des dictionnaires ; tout y côtoie tout, ils vous restituent la réalité en son chaos originel… De la pure matière à poésie.
À la proustienne question : Quel livre emporteriez-vous sur une île déserte ?, ma réponse est toujours la même : « Un dictionnaire. »
En l’occurrence, Le Dictionnaire des littératures policières de Claude Mesplède, ou, comme dit François Guérif : Le Mesplède.
La couverture le précise bien : Sous la direction de Claude Mesplède, mais cet homme se dirigeant dans la même direction depuis qu’il sait lire, les quelque 120 collaborateurs qui, au fil des années, l’ont suivi pour rédiger les quelque 3 000 fiches de cette aventure, ont bel et bien embarqué dans Le Mesplède, comme d’autres sur les caravelles de Colomb.
Il s’agissait ici d’explorer les mers et les continents des littératures policières. De toutes les littératures policières. Du roman à énigme au roman noir, en passant par le suspens psychologique, le thriller ou le roman de procédure, les définitions sont nombreuses et les auteurs innombrables. N’en déplaise aux amateurs d’académies, ils trouveront dans ce dictionnaire des noms aussi disparates que Marcel Aymé, Raymond Chandler, Agatha Christie, Jerome Charyn, Peter Cheyney, Sir Arthur Conan Doyle, Flannery O’Connor, Dostoïevski, Dumas, Hoffman, Manchette, Stevenson, Donald Westlake ou Émile Zola. C’est que le fil suivi par Mesplède et sa bande conduit à découvrir des romans policiers (le crime,
l’assassin, la victime, la société et l’enquête) jusque chez des auteurs réputés les plus littérairement recommandables.
Si les littératures policières décrivent le monde et l’individu tels qu’ils ne vont pas, Le Mesplède, lui, décrit le monde des littératures policières tel qu’il va et où qu’il aille. Ce ne sont pas seulement des auteurs, des titres, des personnages, ou des thèmes qui sont répertoriés ici, mais tout ce qui constitue la vie même autour de ces romans et de ces nouvelles : leurs collections, leurs séries, leurs maisons d’édition, leurs librairies, leurs fanzines, leurs historiens, leurs dessinateurs, leurs films, leurs festivals, leurs prix locaux et internationaux… Un continent exploré dans ses moindres recoins par un homme qui, suscitant des amitiés partout où il se trouve, a des informateurs aux quatre coins de la planète.
Qui connaît l’Américaine Rebecca Pawel ou le Mexicain Rafael Ramírez Heredia ? Ils sont peu traduits chez nous et peu connus chez eux. La présence de ces romanciers dans Le Mesplède en est une des qualités les plus subtiles : elle dit la richesse de la littérature et garantit la promesse d’une exploration infinie.
Oui, c’est bien Le Mesplède que j’emporterais sur une île déserte ; ce dictionnaire si minutieusement achevé est un roman sans fin.

 

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